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SAISIE-CONTREFAÇON : RECONNAISSANCE DU SECRET DES AFFAIRES PAR LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS EN PRESENCE DE PLANS DE COLLECTION ET DE FACTURES D’ACHAT
Veille juridique
25 septembre 2025
Tribunal judiciaire de Paris, 3ème chambre, 1ère section, 3 juillet 2025, n°24/09326
IMPACT : Dans le cadre d’un référé-rétractation à la suite d’une saisie-contrefaçon, le tribunal judiciaire de Paris a conduit un examen minutieux pour déterminer si les plans de collection et factures d’achat pouvaient relever du régime du secret des affaires prévu à l’article L.151-1 du Code de commerce.
Il en ressort la mise en place d’un cercle de confidentialité organisant la remise et la consultation des documents pour partie caviardés.
LES FAITS
À la suite d’une retenue douanière des douanes belges de 4.932 paires de chaussures susceptibles de contrefaire ses marques, les sociétés Crocs ont obtenu du tribunal judiciaire de Paris une ordonnance les autorisant à réaliser une saisie-contrefaçon au siège de la société importatrice des marchandises.
Certains documents ont été saisis lors de l’opération, tandis que d’autres ont été transmis ultérieurement au commissaire de justice par courrier électronique.
A la demande du saisi, certaines de ces pièces ont été placées sous séquestre, au motif qu’elles contenaient des informations relevant du secret des affaires, à savoir :
– des plans de collection annuelle de 2020 à 2023, comportant :
- un tableau des références des produits litigieux ;
- leur prix d’achat unitaire, le stock, la valeur d’achat ;
- le solde à dates déterminées ;
– des factures d’achat de 2020 à 2024, détaillant :
- le nom du fournisseur et,
- pour chaque référence achetée, la quantité achetée, le prix d’achat unitaire et le prix total en dollars américains.
Le saisi a sollicité, dans le cadre d’un référé-rétractation, le maintien du séquestre auprès du juge ayant autorisé la saisie-contrefaçon.
L’IDENTIFICATION DES DOCUMENTS PROTEGES
Le juge commence par apprécier si les documents placés sous séquestre constituent des informations relevant du secret des affaires au sens de l’article L. 151-1 du Code de commerce, répondant aux trois conditions cumulatives suivantes :
- elles ne sont pas généralement connues ou aisément accessibles pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ;
- elles revêtent une valeur commerciale du fait de leur caractère secret ; et
- leur détenteur légitime a pris des mesures de protection raisonnables pour en protéger le secret.
Le juge retient que tel est le cas pour les pièces comportant des données sensibles telles que les volumes d’achat, les prix de vente bruts, les fichiers fournisseurs ou encore le prix d’achat unitaire, puisqu’elles :
- « comportent des informations comptables et commerciales qui ont une valeur commerciale intrinsèque effective ou potentielle » ;
- « ne sont pas connues des tiers ou aisément accessibles par ces derniers en ce qu’elles sont stockées sur l’intranet de la société Sogema » et ;
- « font l’objet de mesure de protection raisonnable (…) accessibles à un nombre limité de personnes (…) et au moyen d’une double identification par mots de passe individuels pour les ordinateurs et de droits d’accès pour les logiciels de gestion », ce qui est prouvé par la remise d’une attestation du responsable informatique.
LA LEVEE DU SEQUESTRE ET LA MISE EN PLACE D’UN CERCLE DE CONFIDENTIALITE
Bien que la société ayant fait l’objet de la saisie démontre pouvoir bénéficier du régime protecteur du secret des affaires, cela n’empêche pas la remise d’un certain nombre de pièces, celles-ci étant nécessaires à la solution du litige. Le juge retient qu’elles « concernent les produits incriminés objets de l’instance en contrefaçon » et « sont donc nécessaires tant à la preuve qu’à l’étendue de la contrefaçon alléguée à l’encontre de la société Sogema ».
L’existence d’une contestation de la validité de la marque sur laquelle se fonde la saisie-contrefaçon ne doit pas être prise en compte selon le juge à ce stade qui renvoie vers les juges du fond pour l’apprécier.
Le juge des référés ordonne en conséquence la levée du séquestre et la remise des plans de collection annuelle dans leur version intégrale, ainsi que des factures d’achat en occultant le nom du fournisseur, non nécessaire à la résolution du litige et susceptible de porter atteinte au secret des affaires.
La nécessité d’un tri préalable des pièces est par ailleurs écartée, leur volume limité et le consensus entre les parties sur leur lien avec les produits litigieux rendant cette opération inutile.
Le juge fixe alors les modalités de consultation de ces documents en recourant à un cercle de confidentialité prévoyant la présence de :
- l’avocat de chaque partie, avec ses collaborateurs et/ou salariés ;
- une personne physique représentant chaque partie, avec une consultation uniquement au cabinet de leurs conseils et l’engagement écrit de n’utiliser ces éléments que pour la procédure et de n’en faire aucune copie ou reproduction.